"Il ne faut pas que ça s'arrête". La phrase est murmurée dans la foule qui s'agglutine autour du Promenoir en cette fin d'après-midi ensoleillée : après les 19 et 31 janvier, la foule est toujours là, même en cette période de vacances scolaire. Les forces de l'ordre compteront 1400 manifestants ce 7 février, un peu plus de 2000 selon la CGT.
Après avoir donné les chiffres nationaux – 30 000 personnes rassemblées à Lyon selon les syndicats notamment – le cortège s'élance dans la rue Nat' pour protester contre la réforme des retraites.
Dans la principale artère de la cité caladoise, les commerçants sentent l'impact de ces diverses mobilisations sur la fréquentation de leur boutique. Debout derrière leur vitrine, deux d'entre eux regardent passer le cortège, impuissants.
"On comprend la mobilisation, c'est difficile pour tout le monde aujourd'hui, mais chaque jour de manifestation représente une grosse perte de chiffre d'affaires pour nous, expliquent-ils. La dernière fois, il y avait des fumigènes, des personnes cagoulées, les clients ne passent pas pendant qu'il y a le cortège, ni après".
Dans ce commerce qui emploie dix salariés, on s'inquiète de l'impact que peut avoir une mobilisation durable, le fait que les transports soient eux aussi en grève et fonctionnent au ralenti n'aidant pas non plus. "On a deux casquettes, celle de citoyen avec nos convictions et celle de commerçant : l'état doit entendre la colère de la rue mais on ne peut pas s'arrêter de travailler si on veut pouvoir payer nos salariés ".

"On n'a vraiment pas besoin de ça"
Un peu plus bas, toujours dans la rue Nationale, une gérante et sa vendeuse sont seules dans leur boutique de vêtements. "Ça nous bloque, les gens ne viennent pas. La semaine dernière, on a eu aucun client lors de la manifestation ; on n'a vraiment pas besoin de ça".
La gérante affirme comprendre la réforme. "On doit travailler plus : en faisant 35 h semaine, c'est faisable de partir plus tard". Pour elle, la rue ne fera pas plier le gouvernement. "J'ai l'impression que les gens sont moins mobilisés aujourd'hui. J'espère que ça ne va pas durer trop longtemps, et encore on est moins impacté ici à Villefranche que dans d'autres villes".
Le cortège poursuit sa route, quittant la rue Nat', il se dirige vers la rue Philippe Héron. Devant la permanence du député de la 9e circonscription Alexandre Portier, Michel Catelin, secrétaire générale de l'union locale de la CGT retraité, prend la parole.
"Il [Alexandre Portier] est aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Il faudra qu'il sache qu'on est passé : plus de 2000 manifestants aujourd'hui devant sa permanence pour lui dire que 64 ans, c'est non !". Pour le député, la réforme est nécessaire, mais "le point le plus important, c'est que la réforme ne se fasse pas au détriment des plus modestes".
La foule continue d'avancer et gagne la place des Arts au son de l'Internationale : rendez-vous est donné dès samedi 11 février, toujours au départ de la place de la Libération.

Non loin, dans un salon de coiffure quasi vide, la gérante coiffe le seul client présent en cette fin d'après-midi : bloqué 20 minutes dans la circulation, il a failli renoncer à venir. "Je ne suis pas heureuse de cette réforme, mais elle est mathématique, appuie la coiffeuse. J'espère que les manifestations vont s'arrêter. À mon avis, ils font tout ça pour rien car tout est déjà décidé, mais on verra".
"J'espère que le gouvernement entendra la rue"
Au bureau de Tabac la Tabatière, jouxté à la place de la Libération, le gérant l'affirme haut et fort : il est contre cette réforme qu'il juge injuste. "Un quart de la population meurt avant la retraite ou juste après y avoir accédé et il y a 150 M€ dans les caisses de retraites : je suis contre le report de l'âge de départ, car il y a des boulots qui ont un impact très lourd sur la santé", pointe Farid Houideg.
Le commerçant le constate, les manifestations impactent la fréquentation de son bureau. "Mais c'est minime, car ils ne restent pas longtemps et j'ai aussi des clients qui manifestent. Les travaux devant ma boutique ont un impact bien plus important : depuis que ça a débuté, j'ai perdu 20 % de chiffre d'affaires".
Lassé des 49.3 à répétition du gouvernement, il ne se sent plus en démocratie et espère que l'État "entendra la rue". "Mon métier n'est pas difficile, mais mon but n'est pas de travailler jusqu'à 64 ans : j'espère partir le plus tôt possible, pour vivre".