Maisons Arlogis, la réussite de Sylvie Dubouis

"J'ai démarré avec deux handicaps : le fait d'être très jeune et d'être une femme." A l'heure de raconter les origines du succès de son entreprise, Sylvie Dubouis se veut lucide sur la difficulté que peuvent rencontrer les femmes pour s'imposer dans le milieu du BTP. Car si sa société, le constructeur de maisons personnalisées Maisons Arlogis, est aujourd'hui toujours solidement ancrée à Villefranche-sur-Saône et Mâcon, tout en comptant dix-sept implantations à travers le territoire national, elle n'était pas nécessairement le fruit d'un chemin tout tracé. "Je ne me prédestinais pas du tout à cette voie, raconte celle qui s'était orientée vers une carrière scientifique avant de se rabattre une formation commerciale. Je suis arrivée sur le marché du travail avec la volonté de montrer à mes parents que j'étais capable d'occuper un poste et d'être autonome. C'est alors que je suis arrivé chez un constructeur de maisons individuelles à Roanne à un poste de chargée de projet." A l'époque, Sylvie Dubouis n'est âgée que de 20 ans. Mais la jeune femme sent qu'elle est à sa place et que l'activité qu'elle exerce stimule sa curiosité. "Cela faisait appel à plusieurs compétences différentes, aussi bien commerciales que techniques, juridiques et financières, poursuit-elle. C'est un accompagnement globale qu'on apporte aux clients. Je me suis vraiment investie avec résultats dans ce métier."

Le grand saut comme présidente

Des résultats qui vont rapidement conduire son employeur à lui proposer au bout d'un an de créer avec lui une société et de s'implanter à Villefranche-sur-Saône. Là où la peur aurait pu s'emparer de n'importe quelle personne d'alors 21 ans, le challenge l'a immédiatement emballée. Et même si au bout de quelques mois, des divergences apparaissent avec son associé, elle n'hésite pas à racheter le capital et à poursuivre seule l'aventure de Maisons Arlogis. Ou presque. "A l'époque, nous étions affiliés à un réseau de franchises qui a disparu en 1996 et donc avec certains collègues, on n'a pas eu envie de se retrouver seuls dans nos entreprises, détaille-t-elle. C'est de cette dynamique qu'est née le groupe Perspectives qui est propriétaire de la marque Maisons Arlogis. On m'a demandé d'en prendre la présidence." Très rapidement, un concept se développe : celui de la conception de maisons personnalisées. Du "segment sur-mesure accessible", comme Sylvie Dubouis aime à le définir. Une nouvelle base de Maisons Arlogis ouvre à Mâcon en 2000, quand, en parallèle, le groupe essaime sa marque à travers des contrats de partenariats auprès d'acteurs intéressés par l'idée se l'approprier. Un seul mot d'ordre pour y adhérer : "respecter ses valeurs", insiste la fondatrice.

Des valeurs immuables

Et celles-ci sont nombreuses. Respect, confiance, écoute, expertise et proximité forment le socle de la réussite du constructeur. Des engagements qui se retrouvent dans la politique menée par l'entrepreneuse. "J'ai toujours animé mon entreprise autour de l'accompagnement du client, insiste-t-elle. La base, c'est de savoir faire des maisons. Mais cet aspect technique ne fait pas tout. Une maison représente un projet important pour une famille et il faut l'accompagner dans chaque étape de son projet. Pas seulement sur la partie chantier." Pour se convaincre de l'appréciation de ses clients, le livre d'or parsemé de messages de reconnaissance, en dépit des difficultés des projets, et qui trône sur la table basse de l'accueil du siège caladois, suffit. Maisons Arlogis cherche également à se montrer exemplaire et à faire la différence dans son approvisionnement. Plattard à Villefranche, les charpentes Minot à Arnas ou encore Provvedi à Saint-Nizier-d'Azergues font partie des partenaires locaux du constructeur. Une façon d'être d'emblée dans les clous de la réglementation environnementale RE2020.

Face à la lente féminisation du secteur

La réussite aujourd'hui acquise à 55 ans – Perspectives pèse 60 M€ de chiffre d'affaires – Sylvie Dubouis sait quelle est sa condition et ce qu'elle a pu impliquer. "Par rapport à un homme, il faut avoir rapidement la capacité de montrer qu'on est légitimes, reconnaît-elle. Même s'il y a quand même un certain respect vis-à-vis des femmes qui ont pu réussir dans un métier qui ne leur était pas a priori destiné." Et difficile de dire que les choses ont changé à un rythme satisfaisant pour la présidente. "C'est encore très lent dans ce secteur, regrette-t-elle. Les CV féminins se retrouvent sur des postes commerciaux, administratifs ou de dessin. Il suffit encore aujourd'hui de pousser les portes d'un amphithéâtre d'une école d'ingénieurs en génie civil pour y compter les femmes sur les doigts de la main." Si elle prône l'idée de parler de son métier auprès des plus jeunes pour démontrer que les femmes ont toute leur place dans le monde du BTP et de l'entrepreneuriat, Sylvie Dubouis semble presque fataliste sur la possibilité de voir évoluer positivement les choses à l'avenir. "C'est aussi sociétal puisqu'aujourd'hui encore, les femmes s'occupent des enfants, souligne celle qui est mère de trois enfants désormais adultes. J'ai eu la chance d'avoir quelqu'un à la maison pour m'aider. Mais je m'aperçois que pour beaucoup de femmes, c'est encore très compliqué aujourd'hui." Les chiffres ne lui donnent pas tort : la féminisation du secteur a seulement progressé de 8,6% à 12,3 % entre 2000 et 2018.