"Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup y est pas…" Une comptine pour enfant qui ne tardera peut-être pas à être dépassée… En effet, le canidé, source de beaucoup de fantasmes depuis la nuit des temps, pourrait bientôt pointer le bout de sa truffe dans le Beaujolais. "On peut le penser au vu de l'évolution géographique du loup, qui a quitté son territoire historique, le massif des Alpes", explique Mathieu Métral, chef de l'unité loups au sein de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Auvergne–Rhône-Alpes.
Depuis plusieurs années, des meutes ont d'ailleurs été aperçues dans l'Ain, la Drôme, l'Ardèche, le Jura ou encore la Haute-Loire. En février dernier, un mouton a même été attaqué à Saint-Pierre-de-Bœuf. Pour la préfecture du 42, ça ne faisait aucun, "il s'agissait du premier constat de présence avérée du loup sur le département de la Loire". Alors forcément, l'hypothèse d'une arrivée dans le Rhône prend de l'ampleur.
"En tout cas, il a tout ce qu'il faut pour s'implanter ici, confirme Mathieu Métral. C'est un animal très opportuniste, capable de s'adapter à pas mal de situations. Et en matière d'habitat, il est peu exigeant. La seule chose qui conditionne son installation, c'est la ressource alimentaire." En 2016 et 2017, une grande expertise a d'ailleurs permis de montrer que le loup était en mesure de survivre dans la plupart des territoires français suffisamment pourvus en ongulés sauvages (sangliers, chevreuils…).
"JUSQU'A PLUSIEURS DIZAINES DE KILOMÈTRES PAR JOUR"
Si l'arrivée du loup dans le Beaujolais est donc tout à fait probable, c'est le calendrier qui est, lui, plus flou. "C'est effectivement difficile de dire quand ça se fera. On ne sait pas vraiment quels sont les mécanismes qui vont les amener à se fixer à un endroit ou à un autre."
D'ailleurs, il n'est pas à exclure que le canidé ait déjà traversé le territoire beaujolais sans avoir, pour le moment, décidé de s'y installer. "Ils fonctionnent par meute, indique Mathieu Métral de la DREAL. Et chaque année, quelques individus en sont chassés et vont devoir former la leur. Pour ça, ils doivent quitter leur territoire et trouver une nouvelle zone où s'implanter. Et parfois, ils font de très grandes distances avant de s'arrêter. Ça peut aller jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres par jour."
"LE SANGLIER FAIT PLUS DE DÉGÂTS"
Mais plus que son côté imprévisible, c'est l'aspect animal sauvage qui nourrit les fantasmes. Plus d'un siècle après l'extinction de l'espèce en France et 20 ans après sa réintroduction, le "grand méchant loup" continue à faire peur. "Pourtant, nous n'avons constaté aucune attaque sur l'homme dans tout le pays depuis les années 1990, nuance Mathieu Métral.
"Et globalement, même si c'est une espèce sauvage et qu'il ne faut pas éluder tous dangers, c'est pareil au niveau européen. Mis à part quelque cas bien particulier, qu'on peut compter sur les doigts d'une main, il n'y a pas eu de morsure. Pour faire une comparaison, les attaques de sangliers font plus de dégâts."
Sur les animaux domestiques, là, le constat est bien différent. Avec 12 000 victimes, principalement ovines, dans tout le pays, l'année 2018 a été particulièrement meurtrière. "C'est d'ailleurs une des priorités du plan loup voté il y a quelques mois. Assurer une bonne cohabitation entre un animal protégé et les agriculteurs."
Pour ça, l'Etat a fait le choix d'accompagner les éleveurs en aidant au financement de mesures de protection (gardiennage, clôtures électrifiées, chiens de protection…) ou en indemnisant en cas d'attaque. "L'idée est de limiter les interactions avec les activités humaines." Pour qu'enfin l'on cesse de crier au loup…
Tony FONTENEAU