Ils sont loin d'être en terrain conquis. Depuis 2018 et la montée du FC Villefranche-Beaujolais en National, aucun gardien formé au club n'est parvenu à chiper du temps de jeu au troisième niveau du football français, jusqu'à l'incorporation, cet été, de Nathan Vermorel, dans le groupe du coach Hervé Della Maggiore. Il a fallu attendre un sacré concours de circonstances – les blessures simultanées des deux gardiens devant lui, Jean-Chitophe Bouet et Lucas Caruso face au Red Star – pour que cela arrive, le 3 février dernier à Paris 13, où Villefranche avait ramené un bon point (1-1) chez un des concurrents directs pour le maintien. Ce soir-là, Nathan Vermorel était attendu. Et il fut à la hauteur de la chance donnée. Une expérience qu'il relate ici, sans affèterie, parce que depuis cette rencontre, la réalité du FCVB a repris du terrain, en étant au coude-à-coude avec beaucoup d'équipes pour rester en National, avec en filigrane, demain, le déplacement à Martigues qui va beaucoup compter. Sur sa condition de troisième gardien, sur la persévérance qui nourrit la vie des goals, Nathan Vermorel a déjà les mots utiles pour attendre son heure, et surtout, la saisir.
Quand on remonte le fil de votre présence au FCVB, on tombe sur quoi, à 19 ans ?
"Je suis dans ma quatrième année à Villefranche. J'ai commencé en U17, puis j'ai continué en U18, U20, équipe réserve et ensuite National."
Pendant vos années de formation en jeunes, arriver dans le groupe de National, était-ce si loin de vous ou vous vous disiez qu'un jour vous auriez votre chance ?
"Je me suis toujours donné les moyens d'y arriver. J'ai bossé, j'ai su me faire mal pour qu'un jour je puisse me dire que le travail paye toujours, à la fin."
On en vient à ce premier match à Paris 13, début février (1-1) où vous avez enfin sauté dans le grand bain du National, à la suite des forfaits de Jean-Christophe Bouet et Lucas Caruso. Vous avez été surpris d'être titularisé par le coach Della Maggiore, à ce moment-là ?
"J'avais déjà fait deux banc en National (Le Puy, Bourg) et quand le déplacement à Paris 13 est tombé, je m'y attendais un peu depuis les blessures de Lucas (Caruso) et J-C (Bouet) face au Red Star, le match précédent. J'étais tous les jours avec eux à l'entraînement, je voyais qu'ils ne se remettaient pas de leurs blessures. Le coach m'avait fait jouer contre Saint-Priest, la semaine suivante en amical, ce qui m'avait permis d'avoir un peu de temps de jeu avec l'équipe. L'entraîneur des gardiens (Benoit Aureille), m'avait confirmé que je jouerai à Paris, ensuite. Dans ma tête, en discutant beaucoup avec mes parents, je m'y attendais forcément. Quand le coach me l'a annoncé, je n'étais pas inquiet, j'avais surtout de l'excitation."
"Quand le coach (Hervé Della Maggiore) m'a annoncé ma titularisation à Paris 13, je n'étais pas inquiet"
La quinzaine qui se déroule entre les matches face au Red Star (3-1) et à Paris 13 (1-1), il n'y a aucun moment où ça cogite un peu dans la tête ?
"Je m'y attendais un peu, donc ça change un peu la nature des jours qui suivent."
On ne se réjouit jamais des blessures des titulaires devant soi mais au moment d'avoir votre chance, vous vous êtes dit qu'il ne fallait pas se louper ?
"Il faut savoir saisir les opportunités quand elles se présentent. J'ai beaucoup progressé grâce à J-C et Lucas aux entraînements. Je ne peux donc pas leur souhaiter du mal ! Quand on est troisième gardien, il faut montrer que l'on est là, et démontrer sa capacité à prendre le relais si cela arrive."
Vous les percevez comment ces aînés qui sont devant vous dans la hiérarchie des gardiens au FCVB ?
"Je les perçois comme des papas ! (rires). Ils ont une grande expérience. Je n'oublie pas qu'il y a quatre ans, j'étais encore en district. Je n'ai pas connu un niveau élevé en jeunes. Forcément, je respecte beaucoup ces deux gardiens qui sont devant moi."
"Si je pouvais prendre une qualité chez J-C (Bouet), ce serait sa rapidité !"
Si vous deviez prendre une qualité chez l'un et l'autre, que choisiriez-vous ?
"Chez J-C (Bouet), je prendrais sa rapidité. Malgré son âge (39 ans), il est plus vif que nous ! Et concernant Lucas (Caruso), je choisirais sa communication."
De quelle manière vous aident-ils à grandir ?
"J-C m'aide beaucoup plus à grandir que Lucas parce qu'il est plus expérimenté, évidemment. Lucas me parle aussi mais je vais plus souvent me fixer sur ce que me dit J-C même si parfois il m'engueule parce que je ne mets pas toujours en application ses conseils. Je préfère qu'on me booste de cette manière-là !"
Avant ce match à Paris 13, que vous ont-ils dit ?
"Fais ce que tu sais faire, sans pression et ça va bien se passer. Sincèrement, ils m'ont mis dans les meilleures conditions."
Le contexte de ce match est assez particulier : un terrain synthétique pas top au cœur du 13ème arrondissement, chez un promu qui souffre au classement. On pense à quoi avant ce match, dans ce cas précis ?
"Le synthétique, c'est le type de terrain où j'ai mes habitudes parce qu'à Villefranche, avec le stade Montmartin, on est un peu aidé. Ce n'était donc pas une excuse à Paris 13, pour moi, de jouer sur le synthétique. Quant au match, il n'y avait aucune pression à avoir. Ce n'est que du bonus d'être là. Il fallait saisir sa chance, sur ce match. C'est tout."
Que vous dit le coach avant ce match ?
"Il ne m'a pas beaucoup parlé, c'est plus l'entraîneur des gardiens, Benoit (Aureille) qui m'a donné quelques conseils. Mais, après l'échauffement, dans le vestiaire quand j'étais avec le coach (Della Maggiore), il m'a tout de suite rassuré et dit que cela allait bien se passer. Il fallait que je fasse les choses simplement, en donnant le meilleur de moi-même. Et après la rencontre, il m'a félicité en me disant que j'avais contribué au point du match nul. Forcément, ça faisait chaud au cœur. Je n'ai pas l'habitude de recevoir des félicitations en si peu de temps."
"A Paris 13, Kevin Renaut et Rémi Bonenfant m'ont énormément parlé"
Vous vous attendiez à être aussi sollicité sur ce match, d'entrée, au sol, dans les airs, les sorties ?
"C'est surtout en deuxième période que j'ai eu plus de boulot ! Quand je regardais le chrono je me disais que ce serait très long... Au début, je ne me suis pas trop inquiété avec deux sorties aériennes à faire. Je me disais que ce serait un match compliqué parce qu'il est rare que Lucas ou J-C soient sollicités deux fois en trois minutes en championnat. Je me suis dit encore ceci : aujourd'hui ça va vraiment être dur ! Et il va falloir que je donne le meilleur de moi-même, sans me trouer…"
Qui vous rassure sur ces premiers ballons un peu chauds, autour de vous ?
"Kevin Renaut, le capitaine, m'a énormément parlé. Il me disait "bravo, continue !" et me conseillait sur les relances pour être plus juste. Jimmy Nirlo, faisait la même chose, comme Rémi Bonenfant d'ailleurs. Ces trois-là m'ont beaucoup soutenu pendant ce match."
Les jours d'après sont vécus comment, quand on revient à la hiérarchie, au poste de numéro 3 ?
"Je les vis bien ! Je sais, que pour les supporters qui ne me connaissaient pas avant ce match, je n'étais pas très rassurant. Je peux les comprendre : ils ne savaient pas à quoi s'attendre avec moi dans les buts. Et finalement, j'ai reçu beaucoup de messages de soutiens après ce match. J'espère qu'aujourd'hui, ils ont plus confiance en moi."
"Le masque de protection que je porte ? J'ai fait une sortie dans les pieds de Kamil Manseri…"
Ce masque de protection au visage, c'est par superstition ?
"Il m'est arrivé une drôle d'aventure en novembre, à l'entraînement. J'ai fait une sortie dans les pieds de Kamil Manseri..."
C'est donc lui le coupable ? (rires)
"Il pensait surtout avoir le ballon avant moi... J'ai eu le nez cassé ! (rires)."
Cette protection est définitive ?
"Non, je ne suis plus obligé de le mettre mais je le porte toujours, plus par précaution !"
Vivre du foot, comme beaucoup de vos coéquipiers, à 19 ans, ça s'envisage ou c'est encore loin ?
"Je ne dirais pas que c'est inaccessible parce que pour moi ce mot n'existe pas ! Il faut travailler. Dans cet objectif, j'ai une grosse marge de progression et je me donne les moyens d'y arriver."
"Je n'ai pas envie de sauter les étapes"
A court terme, l'ambition se situe à quelle hauteur ?
"J'espère, l'année prochaine, sans viser trop haut, devenir numéro 2. Je n'ai pas envie de sauter les étapes."
Mettre la pression sur Bouet, quand on est jeune, avec Lucas (Caruso), c'est possible pour vous ?
"Ah non ! J'ai trop de respect pour J-C ! Même s'il continue encore quatre ans je ne lui dirais rien ! (rires)."
Avoir un tel modèle de longévité à ce poste c'est assez rare…
"C'est surtout un très bon exemple pour les jeunes gardiens."
"Il y a beaucoup de chambrage danse le vestiaire… Mais les petits respectent les anciens. C'est comme ça que ça marche"
La place dans un vestiaire avec autant de joueurs expérimentés, on vous la donne ou il faut se la faire ?
"Il y a beaucoup de chambrage dans ce vestiaire surtout ! Mais les petits respectent les anciens, toujours. C'est comme ça que ça marche. Ceci dit, il faut aussi se faire sa place, un peu !"
En poussant le sac du voisin ? (rires)
"On peut dire ça comme ça !"
Quel est le joueur qui vous impressionne le plus ?
"Jimmy Nirlo, par sa combativité et tout ce qu'il apporte sur le terrain. Les duels qu'il joue, c'est toujours impressionnant. On l'entend aussi quand il faut y aller au charbon."
Depuis votre match à Paris, votre quotidien a-t-il changé ?
"Non, pas vraiment. Mais je suis dans l'idée de me donner les moyens de revivre de tels moments."
"C'est grâce à mon passage à l'académie de gardiens de Jean-Pierre Grandclément que j'ai pu jouer à Villefranche. Je remercie mes parents d'avoir insisté…"
Quel est le poids des parents dans votre parcours ?
"Le poids ? (il réfléchit…). Ils m'ont beaucoup forcé ! Avant d'arriver à Villefranche ils voulaient me mettre dans une académie de gardiens. Je me suis retrouvé dans la "JPG académie" gérée par l'ancien gardien du FCVB et de Chasselay, Jean-Pierre Grandclément. Je ne voulais pas y aller ! J'étais trop timide. Je n'avais pas envie de me retrouver avec d'autres gardiens qui jouaient déjà en 17 Nat', je venais de district et j'avais de l'appréhension par rapport à ça. Mes parents ont insisté et je me dois, aujourd'hui, de les remercier. C'est grâce à Jean-Pierre Grandclément que j'ai pu jouer à Villefranche. Mes parents, ça reste une grande fierté pour moi."
Avant votre match à Paris, ils avaient peur ?
"Ils étaient assez stressés devant la FFFtv qui diffusait le match ! Je les ai appelés après le match pour les rassurer même si je l'avais fait pendant ! (rires)"
Contre Avranches (1-1), au match suivant, vous étiez de nouveau sur le banc. Vous avez vécu ce moment dans quel état d'esprit ?
"Je n'ai pas envie de dire avec de la frustration par rapport à ce que j'avais vécu à Paris 13. Je me suis plutôt dit : je reste numéro 3 après ce match, J-C revient et j'ai encore du travail. Si J-C est numéro 1, ce n'est pas le fruit du hasard. Contre Avranches, il a encore fait un bon match. A ma place, je prends tout : l'expérience, le vécu du National."
"Entre les trois gardiens, on ne se lâche pas. C'est une famille"
Quand tombe la fin de semaine et que vous n'êtes pas retenu dans le groupe, que ressentez-vous ?
"Je n'ai même pas envie d'être dégouté ni frustré. En début de saison, on m'a dit que j'étais numéro 3. Je remercie le club pour cette chance offerte. Lucas a fait de très bons matches en numéro 2, l'an passé quand J-C n'était pas disponible. Alors le scénario actuel me convient bien. Les trois gardiens ont été bons quand il le fallait."
On dit souvent que les gardiens forment une famille. Vous le vivez ainsi au FCVB ?
"Oui. On est tous ensemble, dans toutes les situations. Quand l'un fait une faute de main ou de pied, on le se lâche pas ! On se dit que ce n'est pas grave, qu'il faut vite passer à autre-chose. C'est une grosse famille, les gardiens."
Vous avez grandi avec quel modèle de gardien ?
"Buffon chez les pros. Il a changé le poste de gardien. C'est grâce lui que les gardiens ont plus d'importance dans le jeu au pied d'une équipe. Et puis il dure longtemps, lui aussi…"
"Le poste de gardien a beaucoup évolué. Au Goal FC, Antoine Philippon, joue comme un défenseur… Il y a des choses que l'on est capable de faire et d'autres un peu moins…"
La nature du poste a beaucoup évolué ces dernières saisons, avec notamment des gardiens qui jouent plus haut et participent plus au jeu en restant moins collé sur leur ligne…
"C'est plus compliqué, surtout que j'aime bien rester sur ma ligne ! J'ai encore des progrès à faire sur la gestion de la profondeur et ça, mes défenseurs le savent bien ! (rires).
Ça va venir…
"Disons que ça se travaille !"
Il y a un gardien au Goal FC, Antoine Philippon, qui ne fait plus de camping dans sa surface et joue comme un défenseur de plus dans son équipe, en étant très haut. Cette prise de risques, à ce poste, ça vous impressionne ?
"Non mais Antoine Philippon, franchement, il joue comme un défenseur ! Il joue très très haut, ça peut impressionner."
Vous vous dites que ce genre de jeu peut faire partie de votre palette ?
"Il y a des choses que l'on est capable de faire et d'autres un peu moins…"
A chacun ses qualités…
"Exactement !"
Ralph NEPLAZ
Correspondant local de presse.