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Football FCVB/Un dimanche avec… Valentin Beasse

Rencontre avec le jeune kinésithérapeute du FC Villefranche-Beaujolais, qui, à 26 ans, révèle un parcours dense – de l'Académie de l'OL, au GOAL FC – pour rejoindre, aujourd'hui la sélection algérienne du coach Djamel Belmadi.
Valentin Beasse, sur la pelouse du stade Armand-Chouffet, vendredi dernier avant FCVB-Annecy, en National.
FRANCK CHAPOLARD - Valentin Beasse, sur la pelouse du stade Armand-Chouffet, vendredi dernier avant FCVB-Annecy, en National.

SPORTSFCVB Publié le , RALPH NEPLAZ

De lui, il y a le souvenir des premiers pas au FCVB, môme, dans l'espoir, peut-être un jour de suivre l'aventure paternelle, l'élégant milieu Stéphane Beasse, joueur professionnel à plus de 100 matches en Ligue 2 (Le Mans, Orléans de 1986 à 1995) et venu finir sa carrière en Calade, sa maison depuis. Le fils, donc, Valentin Beasse a quand même réalisé une part de son rêve, en restant dans cet univers comme kinésithérapeute, cette fonction devenue essentielle dans le football d'aujourd'hui. Un destin ouvert sur le monde. Un destin sans frontières et qui peut basculer à tout instant. Du National à la dernière coupe d'Afrique des Nations au Cameroun. C'est cet itinéraire imprévu et enrichissant que raconte ici Valentin Beasse, avant de prendre l'avion, dans quelques jours, pour l'Algérie où l'attend une double confrontation face au Cameroun pour une qualification espérée à la coupe du Monde 2022, au Qatar.

Vous êtes le kiné du FCVB depuis quelques temps. Quel a été votre itinéraire avant d'accéder à ce poste ?

"Je suis diplômé en kiné depuis 2017. A la suite de ce cursus j'ai intégré le GOAL FC (ex-MDA) pendant une saison dans le staff d'Éric Guichard. C'était une première expérience professionnelle très intéressante. A la fin de cette saison-là (2017-2018), quand le FCVB est monté en National, le coach Alain Pochat m'a contacté dans le but de professionnaliser davantage le staff médical. Et comme depuis tout môme j'avais fait toutes mes gammes de footballeur à Villefranche, avec mon père qui avait joué et entraîné là-bas, j'avais un vrai attachement à ce club. J'ai accepté la proposition d'Alain (Pochat) et depuis quatre ans j'y suis resté, ça se passe super bien."

Tout au long de vos études, passer par Villefranche était une voie espérée ?

"J'ai toujours suivi le FCVB depuis tout petit. C'était toujours un objectif d'y passer. Le kiné en place, Alexandre Germain, avait été champion du monde avec l'Equipe de France, c'était un exemple à suivre. Dès que j'ai eu la possibilité de rejoindre le club, ça s'est fait très vite. C'était un premier tremplin pour faire mes preuves en tant que jeune kiné et pouvoir ensuite accéder au monde professionnel. "

Quels liens aviez-vous, à ce moment-là, avec Alexandre Germain ?

"On ne se voyait pas beaucoup parce qu'on intervenait chacun à notre tour comme Villefranche est un club qui n'a pas les moyens des structures professionnelles. On collaborait plutôt à distance par le biais du staff médical. J'ai pu apprendre à ses côtés pendant trois ans. C'était très enrichissant."

Est-il un exemple si important pour les jeunes kinés ?

"Bien-sûr. Alexandre Germain a quand même été dans le groupe champion du monde, en 2018. C'est une trace que l'on a envie de suivre. Aujourd'hui, j'ai pu côtoyer un peu plus le monde professionnel et international à travers la sélection Algérienne, ça donne envie de vivre ces expériences encore un peu plus."

"Dans ce métier, les joueurs nous parleront plus souvent de choses qu'ils n'oseront pas confier à leur entraîneur..."

Le kiné, c'est celui, souvent dans les clubs, qui en sait davantage sur les joueurs (santé, mental…) que les entraîneurs. Est-ce une réalité qui vous parle ?

"C'est la dominante primordiale de notre métier. On se situe entre les joueurs et le staff technique, comme un relais entre les deux. Les joueurs nous parleront plus souvent de choses qu'ils n'oseront pas confier aux coaches. Et derrière ça, c'est à toi de trier ces informations-là. Mais ce rôle de confident, personnellement, j'adore ça. Tu te lies avec les joueurs parce que tu les côtoies plus souvent que le coach, tu as des relations privées, tu les vois sur la table à parler de choses sur la famille, sur les problèmes qu'ils ne diraient pas à d'autres. Au final, tu t'attaches à certaines personnes et l'inverse est vrai. C'est une partie du métier qui me plaît. De plus, à Villefranche, comme nous ne sommes pas salariés du club, en tant que kinés, on n'est pas présent tout le temps. C'est plutôt les joueurs qui viennent au cabinet, là où on va pouvoir avoir des échanges plus humains. Quand tu es kiné, tu dois être focalisé sur la blessure mais parfois, on est plus dans la psychologie avec le joueur."

On a la perception d'un métier, kinésithérapeute, en perpétuelle évolution avec des branches diverses qui s'ouvrent sur l'ostéopathie ou la préparation physique. Où vous situez-vous ?

"C'est ce qui fait que ce métier est vraiment vaste. Quand tu sors du diplôme de kiné, chacun prend des directions différentes. Tu peux te spécialiser en pédiatrie pour les bébés ou en kiné du sport, par exemple. C'est cette dernière branche que j'ai suivie. Mais derrière, j'ai eu l'impression qu'il me manquait des notions dans la préparation physique pour être complet. Je me suis engagé dans cette formation. Maintenant, j'ai la double casquette de kiné et préparateur physique. Quand un joueur viens te voir, aujourd'hui, tu peux répondre à toutes ses demandes, dans tous les domaines. Au-delà de la blessure, tu peux améliorer ses performances athlétiques. C'est vraiment intéressant."

On entre, dans votre fonction, dans des liens qui peuvent devenir affectifs. On devine que lorsque un joueur dont vous êtes proche (comme Maxime Blanc) quitte le club, il faut savoir se dire aurevoir…

"C'est le foot qui veut ça. Ce qui est dommage, dans ce monde-là, c'est que tu peux te lier d'amitié avec quelqu'un qui, au bout de six mois ou un an, va bouger. Tu t'y fais. Mais dans la cas de Maxime (Blanc), il n'est pas parti loin (à Bourg), on est restés en contact. Quand ça se passe ainsi, c'est plutôt cool."

"A Villefranche, Avec Hervé (Della Maggiore), il n'y a pas de pression sur le staff médical, il nous laisse vraiment travailler sereinement. "

Cette saison à Villefranche, le coach Hervé Della Maggiore a fait le pari de partir sur un groupe plus restreint mais très expérimenté. Quel regard avez-vous sur les blessures malheureuses qui sont arrivées à Quentin Martin (tendon d'Achille) et Kevin Renaut (genou)?

"Partir avec un groupe plus restreint, c'est une décision du coach. On sait que c'est risqué mais personne n'est à l'abri de blessures. Malheureusement, on a connu deux grosses blessures sur des joueurs importants. Quand ça s'enchaine, comme ça, c'est dommageable. Le coach a essayé de rectifier le tir en faisant venir des joueurs à la mi-saison (Da Silva et Bokele) pour étoffer l'effectif. De notre côté, il faut que l'on bosse pour faire revenir les joueurs le plus vite possible. Et trouver les solutions, derrière, en prévention, pour avoir moins de blessures."

La pression existe pour les entraîneurs, les joueurs. Et pour le kiné, y a-t-il un compte à rebours pour remettre un joueur sur pied ?

"De la part du coach, il n'y a pas de pression sur nous. Avec Hervé (Della Maggiore), ça se passe vraiment bien. Il nous laisse travailler sereinement et ça concerne tout le staff médical. On fait tout notre maximum pour faire revenir le joueur le plus vite possible mais en minimisant les risques de récidive. Dans ce staff, à Villefranche, ça se passe ainsi. J'ai connu d'autres staffs, notamment à l'Académie de l'OL ou en sélection Algérienne où en fonctions des échéances et de l'importance du joueur blessé, tu peux parfois avoir la pression, alors tu essaies d'accélérer certains traitements. Ce n'est pas le cas, ici. Les joueurs ont, parfois, aussi envie de revenir vite. Attendre, ça ne leur plaît pas forcément. Il faut jongler avec nos connaissances, les faire patienter..."

Comment s'articule la communication avec les médecins, notamment le docteur Jean-Christophe Pineau, en cas de blessure, dans un club comme Villefranche ?

"On est dans un club semi-professionnel, c'est le charme du National. Tous les intervenants médicaux ne sont pas salariés comme il peut y en avoir en Ligue 1 ou Ligue 2. La communication se fait, la plupart du temps, par des groupes WhatsApp, à distance."

"La présence de Rémi (Lancou) a facilité mon intégration auprès des joueurs, en sélection algérienne."

La préparation invisible est dans toutes les discussions des joueurs, souvent. Quel est le joueur, à Villefranche, qui vous a le plus marqué sur ce sujet ?

"Depuis quatre ans, je dirais que Rémi Sergio et Adrien Pagerie sont les joueurs qui travaillent le plus en dehors du terrain. Forcément, ils ont peu de blessures. Cela se joue sur le sommeil, sur l'avant ou l'après séance ou tu les vois travailler plus longtemps. C'est dans ces domaines que les joueurs ont la plus grande marge de progression. C'est ce que je fais dans mon cabinet, accompagner les joueurs sur ces aspects. A ce niveau-là, il y a des manques. Certains joueurs pourraient exploser au plus haut niveau pour éviter, plus tard, d'avoir des regrets en se disant qu'ils n'ont pas mis toutes les chances de leur côté. Mais il y a des changements. Adrian Dabasse, l'attaquant du FCVB, a engagé un préparateur physique individuel cette saison. Il est peu blessé cette saison. Il a su se remettre en question sur cette question-là. Ce n'est pas toujours simple parce que les joueurs, en National, n'ont pas les moyens des joueurs de Ligue 1. C'est un investissement. Mais comme je dis souvent, un jour ou l'autre, ton corps te remerciera. C'est comme une F1, il faut de bons pneus, un bon carburant, pour aller plus vite !"

Comment en êtes-vous arrivé à travailler dans le staff du coach Djamel Belmadi en sélection algérienne lors de la dernière coupe d'Afrique au Cameroun ?

"Un matin, lorsque je travaillais à l'Académie de l'OL, j'ai reçu un appel d'un ami, Rémi Lancou, préparateur physique de la sélection algérienne. C'est l'un de mes formateurs. Il me prévenait qu'un poste se libérait pour la préparation de la coupe d'Afrique. Entre le cabinet, le travail à l'Académie de l'OL et au FCVB, tout était chamboulé dans ma tête. Je n'ai pas réfléchi longtemps. Le choix était fait, début décembre, un mois avant le stage au Qatar avec l'Algérie. J'ai pris une décision vis-à-vis de l'OL, en démissionnant. Les deux n'étaient pas compatibles."

Quel monde avez-vous découvert en arrivant au Qatar avec la sélection algérienne ?

"Fin décembre, je suis arrivé au Qatar, dans un groupe restreint de la sélection algérienne car certains joueurs étaient encore dans leurs clubs respectifs. Cela m'a permis de prendre mes marques. La présence de Rémi (Lancou) a facilité mon intégration auprès des joueurs. Peu à peu, j'ai réussi à gagner la confiance des joueurs."

"J'étais tranquillement en train de bosser à l'Académie de l'OL…"

Comment peut-on passer de coaches comme Alain Pochat ou Hervé Della Maggiore au sélectionneur Djamel Belmadi ?

"C'est du haut niveau ! Tu arrives devant un entraîneur que tu voyais à la télévision à un coach que tu vas côtoyer dans un vestiaire, ou au bord du terrain. Le coach Belmadi, c'est une personnalité super attachante. Il a une relation très proche avec les joueurs. Il m'as mis dans de bonnes conditions, dès mon arrivée, simplement."

Vous étiez au cœur d'une sélection algérienne tenante du titre mais qui n'a pas passé le premier tour de la dernière CAN. C'était une expérience assez étrange au final ?

"Je dirais que c'est le seul point noir de cette expérience. Malheureusement, les résultats sportifs n'ont pas été à la hauteur des espérances qu'il y avait sur la sélection algérienne. Sur les raisons de ce parcours, ce n'est pas à moi de les analyser. Si on retire ce point négatif au niveau sportif, c'était pour moi, une expérience formidable."

Vous avez découvert un groupe algérien qui possède de vrais talents, malgré ce parcours à la CAN. Comment les percevez-vous ?

"C'est vraiment une super génération. Ils ont gagné la CAN en 2019. Quand tu regardes la composition de ce groupe, avec Ryad Mahrez, Yacine Brahimi, Sofiane Feghouli, Youcef Atal… C'est quand même des tops joueurs des clubs européens. J'étais heureux de les côtoyer. Et tu découvres aussi des joueurs peut-être moins connus en Europe mais qui sont des supers stars là-bas, comme Youcef Belaili (Brest) qui est aussi populaire que Mahrez en Algérie."

"Mon père m'as transmis l'amour du football. J'espère qu'il pourra me voir dans un stade en coupe du Monde, au Qatar…"

Vous vous attendez à quelle ambiance en Algérie pour les deux prochains matches éliminatoires à la coupe du Monde contre le Cameroun (aller le 25 mars à Douala, retour le 29 mars au Stade Mustapha Tchaker à Blida) ?

"J'ai hâte de découvrir ce que peut être la ferveur du public algérien. Je me souviens de leur victoire à la CAN 2019 et l'accueil qui avait suivi dans les rues d'Alger. En France, sur les réseaux sociaux tu sens que ce sont des supporters qui aiment leur équipe, vraiment. Le retour de ces barrages se jouera en Algérie, dans un stade où l'ambiance sera extraordinaire. J'espère qu'au bout il y aura la qualification pour la coupe du Monde en décembre au Qatar ! C'est un rêve de gosse pour moi. Ce serait incroyable aussi pour mes proches."

L'amour du foot, ça vient de votre père (Stéphane Beasse) ?

"Il a toujours été un exemple pour moi. Quand j'étais petit, j'adorais suivre son parcours de footballeur professionnel. Il m'as transmis cet amour du football de haut niveau. Malheureusement je n'avais pas les qualités pour vivre le même destin de joueur pro. J'essaie à mon niveau, par le biais de mon métier de kiné, de lui faire vivre des émotions et de le rendre fier de mon parcours. J'espère qu'il pourra me voir dans un stade en coupe du Monde. Ce serait génial."

Dans dix ans, vous vous voyez où ?

"Je ne sais pas trop ! (rires). Il y a tellement de surprises dans le monde du foot… J'étais tranquillement en train de bosser à l'Académie de l'OL et du jour au lendemain je me suis retrouvé en sélection algérienne. Je n'aurais jamais pu prédire cela deux mois à l'avance. J'aimerais pouvoir développer le suivi individuel des joueurs. J'ai déjà de belles expériences avec certains joueurs. Et dans le futur pourquoi pas atteindre un club de Ligue 1 ou même l'étranger, en Europe."

Ralph NEPLAZ

Correspondant local de presse.

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