Il est également vice-président de la fédération apicole Rhône-Alpes.
Le Patriote : "Le problème de la disparition des abeilles est un problème récurrent, aujourd'hui quel constat faîtes-vous dans le département ?"
Alain Rouchon : "Le problème est toujours le même, nous constatons des disparitions "disparates" en fonction de l'implantation des ruchers, notamment dans les zones d'arbres fruitiers. Le pourcentage de perte d'abeilles est considérable aussi vers les zones de grandes cultures. Aujourd'hui nous n'arrivons plus à déterminer quels sont les secteurs les plus dangereux, il y a eu tellement d'épandages de produits qu'il en résulte une rémanence. Insecticides, fongicides et herbicides sont dans le collimateur. Pour le département du Rhône il y a eu encore dernièrement des apiculteurs qui m'ont signalé qu'on continue à traiter les arbres fruitiers n'importe où, certes au moment où il y n'a plus de fleurs dans les fruitiers, mais il faut savoir que les pulvérisations vont au delà des arbres traités. Des vaporisateurs de haute pression sont utilisés, les produits partent dans l'atmosphère et vont se déposer sur d'autres plantes en fleur que l'abeille va visiter. Des personnes m'ont rapporté qu'il y a une mortalité importante d'abeilles devant les ruches à ce moment là. La disparition des abeilles provient aussi du stockage des pollens contaminés par les pesticides et les herbicides, qui sont stockés au printemps et consommés par les abeilles l'hiver. On a subit l'attaque du varroa dans les années 80, mais aujourd'hui on le maîtrise. Ce n'est donc pas lui la cause première de la mortalité des abeilles. Quant au frelon asiatique, c'est une calamité mais il n'est pas arrivé dans le Rhône, bien qu'il ne soit pas très loin".
Affaiblissement des défenses immunitaires
En avril 2013, les Etats membres de l'Union européenne ont décidé le retrait du marché de trois molécules néonicotinoïdes, responsables d'après votre syndicat de la mort de milliers de colonies d'abeilles, qu'en pensez-vous ?
"C'est bien mais ce n'est pas suffisant. Il faut interdire toute la famille des néonicotinoïdes. On interdit trois molécules pendant deux ans alors qu'il en existe des dizaines et on va nous dire dans deux ans : "vous voyez les abeilles continuent de mourir".
Entre problèmes climatiques ceux des pesticides, à quelle conclusion est arrivée l'UNAF quant à la cause de mortalité des abeilles ?
"Les problèmes climatiques ont toujours existé. Nous avons eu des hivers plus ou moins rudes. Mais avant, lorsqu'on n'avait pas d'insecticides, on perdait 1 %, 2 %, voire 3 % de ruches. Alors qu'aujourd'hui, même avec des conditions climatiques assez bonnes, on enregistre un taux de pertes de 10 à 15 %. Donc nous avons toujours ce handicap des insecticides. Dans notre département on a même eu jusqu'à 40 % de pertes d'après une enquête que nous avons réalisée, notamment lorsqu'il y a eu des traitements contre la chrysomèle du maïs. Les éléments déclencheurs de la disparition des abeilles sont les insecticides. Cela affaiblit leurs défenses immunitaires. Il y a des molécules qui sont neurotoxiques et systémiques. Elles agissent sur les cellules nerveuses et les abeilles n'arrivent pas à rentrer à la ruche. Le problème de disparition des abeilles correspond à la mise en circulation dans les années 95, de ces produits systémiques. Des épandages aériens sont pratiqués et le Beaujolais n'en est pas exempt. La pulvérisation par hélicoptère, si précise soit-elle, entraîne un flux de molécules qui s'envolent dans l'atmosphère et se déposent par exemple sur les acacias."
Que demande le Syndicat apicole du Rhône ?
"La suppression pure et simple des insecticides néonicotinoïdes systémiques. En Italie, les pouvoirs publics ont pris cette décision et cela a porté ses fruits : le taux de mortalité des abeilles est redescendu à un pourcentage normal. Il ne faut pas tourner autour du pot pendant cinquante ans et nous amuser ! L'abeille est un pollinisateur. Elles amènent 150 milliards d'euros par an sur la planète grâce à la pollinisation. Tout le monde est bien content d'avoir des cerises et des tomates dans son jardin."
Le déclin des abeilles est devenu une priorité nationale aux Etats-Unis. La France et l'Europe sont-elles en retard ?
"Il y a longtemps que les Américains sont touchés. En France, d'après le Grenelle de l'environnement, on aurait dû diminuer l'utilisation de produits phytosanitaires. On n'arrive pas à les faire baisser. Je connais pourtant des agriculteurs qui parviennent à obtenir des rendements suffisants sans utiliser de produits systémiques. J'aimerais citer en exemple l'un d'entre eux installé vers mes ruchers. Il pratique la rotation des cultures, il utilise moins d'engrais et arrive à tourner. La seule façon radicale de lutter contre la chrysomèle du maïs, c'était la rotation. Mais il n'y a pas la volonté affichée de pratiquer cette méthode parce que cette culture est rentable et des primes sont distribuées."
Propos recueillis par Laurence Chopart
Disparition des abeilles : des apiculteurs tirent la sonnette d'alarme
Questions à Alain Rouchon, apiculteur depuis 1982 à Ternay, président du Syndicat d'apiculture du Rhône affilié à l'Union nationale de l'apiculture française.
Publié le , Partager :
Articles similaires