Jeudi 15 septembre, il est 17 h quand l'adjudant de la brigade motorisée de Villefranche se positionne au croisement entre la RD9 (route de Montmay) et la RD337, entre Saint-Vincent et Beaujeu. À l'aide de son radar mobile, le motard contrôle la vitesse des automobilistes dans les deux sens de circulation. Et après 30 minutes, plusieurs excès de vitesse ont déjà été constatés, dont certains à plus de 105 km/h. "Il est rare que sur cette route, en ligne droite, on n'observe pas d'excès. C'est très tentant de rouler vite ici, mais c'est aussi dangereux, surtout en période de vendanges, quand les tracteurs circulent lentement", dit-il.
Ce contrôle de la vitesse à Quincié-en-Beaujolais, comme il s'en fait régulièrement sur les routes du Beaujolais, a exceptionnellement été supervisé par le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône. Accompagné de Clément de Maillard, le commandant de la compagnie de Villefranche, Jean-Jacques Boyer a souhaité attirer l'attention sur l'insécurité routière. "Malheureusement, dans notre département et le Beaujolais, des automobilistes s'affranchissent des règles de la sécurité routière. Et des accidents, notamment mortels, en découlent. La tendance n'est pas bonne…", a-t-il rapporté. Dans le Rhône, 21 personnes ont trouvé la mort sur les routes départementales en 2020, contre 37 en 2021. "Et cette année, nous en sommes déjà à 35 tués…".
Plus de 400 retraits de permis en 2021
Le commandant De Maillard note trois causes principales, dans l'ordre décroissant l'alcool, l'inattention au volant et la vitesse excessive. "Je pense qu'après le Covid, il y a eu un relâchement sur les routes. Ces accidents sont la conjonction de plusieurs facteurs. En tout cas, ils se produisent souvent sur des routes fréquentées. On opère donc des contrôles de vitesse à toutes les heures de la journée, mais surtout sur les mouvements pendulaires, c'est-à-dire le matin et le soir, au moment où la population se rend à son travail ou le quitte. Certains travaillant à Lyon sont parfois pressés et accentuent donc le risque d'accident."
L'alcool, c'est justement ce qui a amené les forces de gendarmerie à se déplacer dans le secteur de Blaceret, vers 18 h. Postés à quelques pas du feu rouge de l'intersection entre les route du Beaujolais, de Saint-Julien et de Saint-Georges-de-Reneins, les agents y réalisent des contrôles d'alcoolémie et de stupéfiants. Un secteur choisi pour une raison précise. "Nous avons beaucoup d'accidents sur cet axe nord-sud, le milieu du Beaujolais entre Belleville et Anse", explique le commandant De Maillard. Une tendance qui se ressent dans les chiffres. En 2021, le sous-préfet explique avoir vu 410 suspensions de permis sur son arrondissement, gendarmerie et police confondues. Cette année, à la fin août, la sous-préfecture en dénombrait déjà 333.
Un permis non prorogé et un défaut d'assurance
Pour ce qui est des résultats des alcootests et des tests salivaires pour détecter les stupéfiants, les gendarmes font choux blanc ce soir-là. L'horaire de fin de journée, à la sortie du travail, peut pourtant être propice à la consommation. Mais c'est sur des affaires administratives que le travail des six représentants des forces de l'ordre finit par se concentrer. Un défaut de permis tout d'abord, à Blaceret, pour un jeune homme accompagné de sa petite sœur, qui n'a pas non plus le papier rose en poche. "On attend que ses collègues viennent récupérer le véhicule car il ne peut plus circuler", lance l'adjudant à son commandant, tout en dirigeant le conducteur incriminé sur une place où il pourra patienter.
Puis à Denicé, sur le secteur des Maisons Neuves, où après plusieurs contrôles en règle, les brigadiers aperçoivent au loin une Peugeot 207 blanche zigzagant et roulant à une vitesse élevée, qu'ils arrêtent sur le bas-côté. À son bord, trois personnes : un jeune homme qui conduit et ses sœurs. Celui-ci tend un permis provisoire, l'ayant obtenu récemment. Problème : il n'est pas prorogé et le véhicule n'est plus assuré depuis 2018. "C'est un garage qui m'a prêté ce véhicule", avance-t-il aux forces de l'ordre. Une version confirmée sur place par les gendarmes qui ont vérifié l'immatriculation à l'aide de leurs téléphones portables. "Avant, on devait tout faire en procédure papier. Ça nous fait gagner du temps", témoigne une gendarme sur place.
Ce n'est qu'après un coup de téléphone, deux tests pour alcoolémie et stupéfiants négatifs et plusieurs minutes d'attente que la mère du conducteur et des passagères, qui habitait à proximité, est venue les chercher. Le véhicule, lui, a été immobilisé. L'amende sera de 400 € pour le contrevenant. Le garage sera également appelé pour éclaircir le contexte du prêt d'un véhicule non assuré.
David Duvernay et Simon Alves
"Les refus d'obtempérer, c'est une crainte qu'on a constamment"

"Les gens sont coopératifs". Qu'il s'agisse de personnes en infraction ou contrôlées en règle, les automobilistes et motards ayant eu affaire aux gendarmes lors de cette soirée n'ont opposé aucune résistance à leur travail, se soumettant avec sourire à leurs injonctions. Pourtant, dans un contexte où les refus d'obtempérer occupent régulièrement la une de l'actualité, la question de la prise en compte de ce type de phénomènes de la part des forces de l'ordre est inévitable. "C'est une crainte qu'on a constamment, concède Clément de Maillard. En ce moment, c'est davantage dans l'actualité, mais dans notre travail, ce n'est pas quelque chose de nouveau. C'est un phénomène auquel nous sommes toujours sensibles."
Pour mieux les prévenir, les gendarmes tentent d'adopter les bons réflexes, entre observation et contrôle. "On ne passe jamais devant le capot du véhicule, mais toujours par l'arrière quand on en fait le tour", poursuit le commandant. Si refus d'obtempérer il y a, la prise en chasse ne doit pas être automatique. Le but est d'éviter toute provocation lui faisant prendre des risques. "On va suivre le véhicule tout en alertant par radio les équipages à l'extérieur, en leur donnant des indications pour qu'ils puissent l'intercepter. On demande aussi souvent un hélicoptère." Pour le commandant, "certains refus d'obtempérer se font pour des raisons tellement anodines que le relevé de l'infraction ne vaut pas la vie d'un gendarme".